Éric Seydoux à propos de mai 68

« La sérigraphie était une technique que je maîtrisais car je travaillais déjà dans un atelier de sérigraphie appelé Paris-Arts, situé un jet de pierre de l’École des Beaux-Arts. À cette époque, c’était un procédé peu connu des artistes, mais qui s’était beaucoup développé dans le secteur industriel. Parmi ses origines, se trouve la technique d’impression dite « à la lyonnaise », aux XIXe et XXe siècle. On a beaucoup dit que l’armée américaine l’avait utilisée au moment du débarquement pour établir leur signalisation à l’aide de camions-atelier, contribuant à ainsi à sa propagation. À l’École des Beaux-Arts, la lithographie s’avérait d’une grande lenteur pour imprimer les affiches. Par contre la sérigraphie, procédé d’impression rapide, peu cher et facile de maniement, fut unanimement adoptée pour répondre aux besoins de réactivité.
Un dimanche de mai, je rencontrais Guy de Rougemont, un plasticien connu à Paris-Arts venu avec du matériel : cadres, raclettes et encres. La première affiche tirée le soir même reste dans mon souvenir, le poing levé. Un peu plus tard on tirait quatre ou cinq affiches par nuit. Il y avait toujours beaucoup de monde sur place pour aider au tirage et des volontaires se chargeaient de les coller, surtout au Quartier Latin mais aussi rive droite. Le papier utilisé était le centre de bobines de papier journal qui ne pouvait plus passer en machine. Les affiches étaient pour la plupart monochromes, faites avec des couleurs de récupération. Ne l’oublions pas, les moyens avec lesquels nous avons réalisés toutes ces affiches étaient très frustes. C’est le procédé de réalisation qui fit le style de 68. Il permettait de la réactivité face aux événements quotidiens. Les auteurs étaient généralement anonymes. La critique des projets à l’assemblée générale était souvent houleuse. Une morale présidait à la fabrication de ces affiches : on n’avait pas le droit de les emporter ni de se les approprier ». Selon Éric Seydoux, les peintres qui ont participé activement à l’atelier des Beaux-Arts sont Eduardo Arroyo, Francis Biras, Pierre Buraglio, Cueco, Gérard Fromanger, Bernard Rancillac et Guy de Rougemont.

Propos recueillis